Au firmament des étoiles de l’esthétique brille Jennifer Brodeur, une femme au destin exceptionnel et au parcours admirable. Esthéticienne, puis enseignante et enfin entrepreneure, sa rigueur, son talent et son professionnalisme lui ont ouvert les portes du monde et même celles de la Maison Blanche, au service de la Première Dame elle-même. Travailleuse acharnée, stratège cutané aux connaissances poussées et pointues, elle crée, manufacture et distribue sa collection de soins pour le visage qui connait un succès mondial.
Celle qui se fait discrète, préférant faire plutôt que dire, a effectué un virage à 360 degrés au cours des deux dernières années. Le globe-trotter qui passait le plus clair de son année en déplacements passe maintenant une majorité de son temps sur sa ferme florale, nichée en Estrie, à rêver de pivoines, de calendules et de tournesols. Ainsi, telle l’abeille, elle travaille fièrement et ardemment pour les voir fleurir.
Rencontre avec une entrepreneure inspirante remplie d’ambition qui a les deux pieds sur terre… et les deux mains dedans.
Jennifer, lors de notre première rencontre en 2018, vous m’aviez confié vivre selon un emploi du temps extrêmement chargé, entre deux avions, toujours une valise à la main. En vous suivant sur les réseaux sociaux, on constate que les choses ont évolué. Parlez-nous de ce nouveau mode de vie que vous vous êtes créé ?
Cette histoire est un peu magique. Le plan initial était de faire ce grand changement pour mes 50 ans. Puis, le 11 juillet 2020, en pleine pandémie, j’ai proposé à mon mari de partir sur un « nowhere » en Estrie. C’était un jour de pluie et je me rappellerai toujours ce sentiment qui m’a habitée lorsque j’ai aperçu cette maison sur une terre de campagne qui pouvait accueillir ce projet de ferme florale qui m’était si cher. Je suis sortie de la voiture et je suis restée debout à contempler la fermette sous la pluie avec une impression de déjà vu. Comme si cette demeure avait été la mienne auparavant. À ce moment précis, je savais que nous devions faire l’acquisition de cette propriété et l’emménager. C’est un peu comme si tout s’était parfaitement aligné pour que ce projet se concrétise plus rapidement.
Lorsque j’ai fondé ma famille, j’étais une fan finie de Martha Stewart. Mes filles m’ont toujours vu cultiver des fleurs dans mon jardin, faire des gâteaux, des confitures, organiser chaque centimètre carré du foyer. Puis, la carrière m’a un peu éloignée de ces passions, donc je sens réellement que c’est la continuité de mon parcours beaucoup plus qu’un nouveau départ.
J’aime à dire que c’est presque un retour aux sources,
– jennifer brodeur
à mes passions premières.
Cette ferme florale que vous mettez sur pied devrait être en mesure de produire vos actifs fétiches en combien de temps ?
C’est un processus assez long, il faut le dire. Les pivoines par exemple demandent du temps, de la patience afin d’avoir une belle production. Les tournesols également. C’est une aventure qui prend des années. Nous sommes dans une phase de tests, mais c’est un magnifique début. Il y a des essais, des erreurs, des succès. Chaque millimètre de chacune des espèces qui poussent m’enchante. Ça me ravit de voir ce qui prend vie de mois en mois. Ce grand jardin m’aide à être moins dans la productivité et à prendre le temps d’apprécier le chemin plutôt que d’apprécier seulement le résultat. Dans environ 3 ans, je souhaite intégrer les premiers extraits de plantes produits sur la ferme dans nos formules.
Vos lancements de nouveaux produits sont généralement espacés quand bon nombre
d’entreprises dans l’industrie cosmétique sont en lancements perpétuels. J’ai le sentiment que vous effectuez une énorme recherche et que vous raffinez chaque nouvelle création de manière exhaustive avant de les mettre au monde. Je me trompe ?
Vous avez tellement raison. Étant une éternelle insatisfaite, chaque produit doit avoir sa raison d’être (rires). Mon travail se fait beaucoup dans le silence, et chaque formule doit répondre à un besoin. J’observe, je me questionne et ensuite des idées naissent. Je termine d’ailleurs une formation en chimie et formulation afin d’assurer la création des produits. Je crois en la « slow » cosmétique. Peu de produits, efficaces et performants. Cette façon d’envisager le commerce de la beauté me garde de lancer des produits qui ne seraient pas actuels ou en adéquation avec mes valeurs.
Comment se déroule la naissance d’un nouveau produit JB Skin Savvi ?
Au tout début, c’est par l’observation. Et c’est très long (Rires) ! J’ai cette chance immense de rencontrer des femmes magnifiques un peu partout dans le monde. L’inspiration peut me venir en cabine, en observant les trousses de beauté de mes clientes, d’un ingrédient duquel je veux percer les secrets et le plus souvent lorsque je fais l’analyse d’une peau. Dans le silence de la salle de soin, une idée germe et ensuite quelque temps plus tard je me mets à l’écriture d’une recette, un peu comme on écrit un poème ou une chanson.
Étonnamment, une fois cette recette écrite, l’échantillon final ne diffèrera pas tellement de l’idée
de départ.
Vos origines finnoises sont au cœur de vos magnifiques créations. En quoi cet héritage vous
est-il si inspirant ?
Mes grands-parents ont eu le courage de quitter leur pays alors que la guerre s’abattait sur la Finlande et que la moitié du pays est devenu communiste. Je salue et j’admire ce courage en premier lieu et de ce fait, mes origines familiales me sont très chères. Lors de mes voyages dans les pays scandinaves, la simplicité avec laquelle leurs peuples vivent m’a également beaucoup touchée. L’architecture, l’art de vivre, l’alimentation et le respect de l’environnement sont toutes des particularités qui me fascinent.
J’ai beaucoup parlé avec les Finlandaises lors de mes voyages. Elles prennent de l’âge avec grâce, en toute vitalité et naturellement. Je leur demandais régulièrement leurs secrets de beauté. Ce qu’on me répondait le plus souvent : l’alimentation. Elles s’alimentent bien, selon la saisonnalité. C’est d’ailleurs grâce à elles que l’idée d’utiliser le Ligonberry comme ingrédient phare de la collection Lumi a fait son chemin.
Avec cette aventure, je réalise un de mes plus grand rêve et je m’offre le luxe d’avoir davantage de temps pour moi.
– jennifer brodeur
Vieillir est un privilège pourrait être considéré comme un mantra pour vous. Qu’est-ce qui vous plait le plus dans le fait de prendre de l’âge ?
Il y a différentes choses, mais la première est de voir mes filles vieillir. De voir les femmes qu’elles deviennent, les choix qu’elles font et de les voir évoluer, s’épanouir et se découvrir.
Je suis fière également de prendre de l’âge selon mes valeurs profondes et en mettant en pratique ce que je dis. Tant de gens m’ont dit que je ne pouvais cesser de teindre mes cheveux dans un domaine comme celui de la beauté. Et pourtant, cela fait maintenant trois ans que je laisse mes cheveux devenir gris et je suis heureuse de vieillir à ma façon, selon mes envies et en étant
moi-même.
Si vous pouviez emmener Jennifer l’adolescente pour une balade dans l’un de vos champs de pivoines, qu’aimeriez-vous lui dire à propos du parcours qui sera le sien ?
Je lui dirais qu’elle va étudier longtemps (rires)… Quand on est adolescent, on croit qu’on va étudier pour une courte période et qu’ensuite on fera notre métier. Dans mon cas, je dois dire que c’est plutôt l’inverse. Je n’ai jamais cessé d’étudier. Je lui dirais, surtout, que rien n’est jamais définitif. On peut se tromper, on peut recommencer. On a toute la vie pour recommencer.
Max+, votre superbe appareil de soin de la peau qui n’a pas pris une seule ride célèbrera ses 20 ans en 2023. Force est de constater que la lumière a frayé son chemin dans bien des cabines d’esthétique depuis quelques années, mais qu’en était-il en 2003 lors de sa création ?
À son lancement en 2003, on ne parlait pas de lumière. J’ai donné tant et tant de conférences à propos de cette technologie et au tout début ce n’était pas particulièrement bien accueilli. Certaines personnes avaient même des doutes quant à sa réelle performance.
Puis en 2005, on a commencé à voir davantage de technologies à DEL dans les salons d’esthétique. Certaines entreprises sont encore là, d’autres ont fermé leurs portes. Ma plus grande fierté c’est que Max+ est encore là après 20 ans et qu’il est encore aussi apprécié des professionnels qui l’emploient dans plus d’une quarantaine de pays.
J’aime vous appeler la chercheure esthéticienne. La peau, la nutrition, la formulation, vos connaissances sont vastes et il est évident que l’éducation continue est au centre de vos valeurs. D’où vous vient cette vive curiosité et ce besoin d’en savoir toujours plus ?
Je crois que c’est en relation directe avec mon éternelle insatisfaction (rires). Je suis une femme qui se questionne et qui pose des questions. Il m’est même arrivé dans certains congrès ou certaines conférences qu’on me demande carrément de cesser de poser des questions (rires). Je n’adhère pas facilement à un concept ou à une idée à moins que l’on me l’explique. Je cherche toujours à comprendre le pourquoi, le comment. C’est ce qui fait que je suis curieuse, que j’ai un grand plaisir à l’étude et que je cherche toujours à augmenter mes connaissances sur une multitude de sujets différents.
Quel conseil donneriez-vous aux professionnels de la beauté qui peinent à faire de la place dans leur emploi du temps pour l’éducation continue ?
De prendre le temps… On n’avance pas sans éducation continue. On ne peut pas rester à la page.
Avec toute l’information disponible que nos clientes consultent, il faut remplir notre panier de connaissances. Je dis souvent qu’il faut savoir sept fois plus de choses que nos consommatrices afin de répondre à leurs questions et les orienter de manière professionnelle. Durant toute ma carrière, je me suis répété que j’étais aussi bonne que mon dernier facial. Pour évoluer, il faut faire évoluer ses connaissances. On a tous des journées où les soins sont moins fluides, où on ne se sent pas au top, mais ce sont nos connaissances variées qui peuvent sauver ces jours moins faciles.
Jennifer, que pouvons-nous vous souhaiter pour les prochaines années ?
Des pivoines… Beaucoup de pivoines… Des tonnes de pivoines…
Et pourquoi pas un deuxième livre ?
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ENTREVUE PAR FELIX FORREST

